Under The Skin
Jonathan Glazer, 2014
, le 15 juin 2015
Je pense pouvoir raisonnablement dire que dans le cinéma d’auteur, en France en particulier, les prouesses techniques sont plutôt malvenues. Le génie de Jonathan Glazer est de réussir à convoquer des moyens inhabituels dans un film très personnel et d’une grande sensibilité sans jamais être dans la démonstration.
Par quelques images suggestives dans la séquence d’ouverture, il nous indique déjà que nous sommes dans la science-fiction, dans un sens qui, on s’en aperçoit très vite, n’est pas du tout limitatif. En effet, après cette séquence nous sommes plongé dans un univers cinématographique qui n’est pas sans faire songer à la tradition du réalisme social à l’anglaise. Alors qu’on voit le personnage de l’extraterrestre se faisant passer pour une terrienne interprété par Scarlett Johansson au volant d’une camionnette, en tenue un peu aguichante, parcourir l’Ecosse, le réalisateur a eu l’excellente idée de filmer des scènes de rue en caméra cachée : la rencontre de ce réalisme contemporain saisissant (voir également la séquence de la boîte de nuit) et de l’imaginaire science fictionnel donne au film son étrange tonalité d’ensemble. Les séquences qui ponctuent le film où notre personnage d’extraterrestre piège ses proies dans une ambiance onirique viennent elles aussi se poser en très fort contraste avec l’environnement des villes moyennes écossaises dans ce qu’elles ont de plus banal, de plus générique. On peut également saisir un contraste entre deux deux grandes parties assez distinctes du film, la première se déroulant dans un univers urbain, donc, et la seconde, alors que notre personnage semble vivre une sorte de "prise de conscience d’elle-même" (comme si elle devenait humaine ou qu’elle en avait la tentation).
Il me semble que l’ensemble du film peut être reçu comme une grande métaphore. Il a en tout cas le caractère imprécis, en suspend des images poétiques. On ne connaîtra pas les enjeux de cette étrange expérimentation à laquelle se livrent des extraterrestres dans un film dans l’ensemble très peu bavard (c’est à la fois reposant et angoissant), mais il me semble que ce qui résume le parcours du personnage principal, une jeune femme qui teste son pouvoir de séduction sur des hommes avant de les faire disparaître, est une chose très humaine, terrestre, qui peut parler à un nombre non négligeable d’hommes. Peut-être faudrait-il aller chercher du côté de la biographie sentimentale de Jonathan Glazer, mais serait-ce très utile ?
A noter également l’accompagnement musical impeccable de Mica Levi, à qui je consacrerais un autre post.