Accéder directement au contenu

Films

Wake in Fright - Ted Kotcheff

aka Outback (1971)

daamien, le 30 mars 2014

Un instituteur anglais beau gosse qu’on devine vite un peu arrogant fait son dernier cours de l’année dans un trou perdu dans le désert austral (merci l’éducation nationale !). Notre jeune homme plutôt fauché (merci l’éducation nationale !) passe par la ville de "Yabba" pour pouvoir prendre l’avion et rejoindre pendant les vacances scolaires sa petite amie à Sydney... mais ça, c’était sans compter sur l’hospitalité locale de cette ville paisible où l’on passe le temps en s’enfilant des bières, en jouant à un jeu d’argent particulièrement débile et en chassant les kangourous au pare-choc (attention les amis des bêtes risquent la syncope vagale).

Les bons films des années 70 ont toujours été appréciés pour leur nature viscérale, dérangeante, sèche et désespérée. On croit les avoir tous vus mais ils y en a encore de temps en temps qui font miraculeusement surface pour nous aiguillonner la cervelle. C’est justement le cas du film australien Wake in Fright réalisé par le canadien Ted Kotcheff (Rambo 1 !) et restauré en 2009.

Addiction, Violence et Nihilisme

Direction l’Australie des gentils kangourous et des colons avinés où Kotcheff invente un nouveau genre : le road movie qui fait du surplace. Pour preuve le film s’ouvre sur un travelling absurde qui exécute tranquillement une rotation complète, nous révélant les alentours absolument désertiques du village. Notre malheureux instit (figure de la culture et de la transmission du savoir donc) va dans un curieux conformisme social suivre une trajectoire tragique (mais peut être aussi initiatique) en abandonnant peu à peu toute forme de bienséance, jusqu’au point limite où moralité et identité se dissolvent.
Mais le film de Kotcheff est aussi ambigu et nuancé, le personnage principal peut être assez antipathique, le flic pas très futé est aussi très humain et certains ivrognes se révèlent être des plus lucides...
Pour essayer de donner une vague idée de ce film singulier, on pourrait citer Profession : Reporter d’Antonioni (1975) et Délivrance et ses joyeux rednecks (John Boorman 1972).

Dans l’oeil du kangourou

Si certains tentent encore de nous démontrer que l’homme n’est pas un animal, que notre supériorité rayonnante est légitime etc... cette adaptation de la nouvelle de Kenneth Cook semble plutôt nous dire que nous sommes une drôle d’espèce qui part facilement à la dérive. Le sentiment d’horreur distillé dans le film n’a rien d’holywoodien, il est au contraire ancré dans le quotidien des "sociétés masculines". Kotcheff nous dit d’ailleurs dans une interview que l’australie rurale et virile de son film ressemble fort à certains coins du Canada et des U.S.A.

 le film devait à l’origine être tourné par le grand joseph Losey
 le début de l’histoire dans l’école rappelle étrangement celui de The Last Wave (un autre classique du cinéma australien) sorti en six année plus tard, un clin d’oeil de peter Weir ?
 un critique après la première de Cannes disait grosso modo qu’il y a tellement de transpiration et de poussière dans le film qu’il a dû prendre une douche après le visionnage !